27.4.09

L’atelier

Superbe texte que je me permets de mettre sur le blog.
Par Akinorev le 26/04/2009 L'ATELIER

Une bille de plomb minuscule me nargue.

De gauche à droite
De droite à gauche

Elle accélère au courant d’air.
La page s’étire et baille, fait le gros dos, se griffe aux agrafes. La bille est prisonnière entre deux lignes.

Dehors, Marine traverse la chaussée. Ses seins roulent sous son pull rayé.

La plume transperce le papier comme une flèche de Cupidon. La bille se fige dans le trou.
Le porte-plume, jeté dans l’encrier, éclabousse le cahier. Des fourmis déambulent, conciliabule, sur la feuille. Elles font la ronde, s’abreuvent des gouttes violettes. J’en tire une par la patte. Les lettres se resserrent. Je tourne la page et la lisse de la main. Marine se couche nue dans la marge. Les fourmis reviennent. Elles s’amassent le long de la ligne rouge. Marine remue, princesse au petit pois (tout petit). Ses fesses sont blanches ; son corps irrigué par des veines bleues. Quadrillage.

La fenêtre tremble. Dans la rue vide, volent les papiers gras. Eliane est partie au loin le vent tresse nos soupirs.

Marine a faim.
« - Si nous jouions au Poker, lui dis-je.
- Je suis déjà à poil, me répond-elle. »
Je lui tends un bas de soie. Elle le déroule sur sa jambe. New York. Les bruits du marché montent jusqu’à l’atelier. Marine à l’encre de Chine. Mon modèle me tue. Les larges vitres sont immobiles sous le givre. Je donne mes frites à Marine. Elle les enfonce dans ses lèvres. J’éjacule sur le tapis.
Les fourmis se sont frayées un chemin. Elles s’engouffrent par la petite porte dans la ligne rouge brisée. Marine se tortille sous les piqûres. Les insectes lui pénètrent le corps. Au fil des pages, elle se dessèche. Je peints la mort. Au fusain. Le tapis est bleu marine.
Des escrocs me guettent à la sortie de salles de jeu. New York se fait justice. Le poisson jaunâtre dans la barquette sent le souffre pourtant Marine me tente toujours. Je tourne les pages à l’envers. Ma main se ride.

Dehors le vent se pose. Je sors le chien. Dans les poubelles, je cherche la trace d’Eliane. Son rire PVC. Papiers gras. Des tresses.
Prisonnières entre deux trottoirs, les bouches d’égout me regardent. J’aperçois Marine par le hublot de sa salle de bains. Elle chante et j’imagine ses gros seins dans l’eau. Noyés.
Le dog est lent. La porte est massive. Dans la chambre, la plume m’attend.


Les fourmis parlent vite. C’est bientôt la fin de l’histoire. Quelques toiles sans cadre. Un trafiquant d’art, trois putes et des œuvres maquillées. Le cri dans un bateau.
Il reste quatre pages au cahier lorsque je mets le point final, minuscule. Comme une bille. De plomb.

Ma chambre est un Van Gogh et le lit sent le bleu. La rue est raide. Marine me suce encore. Les volets claquent et le plafond blanchit.

New York dort sous la neige.

2 commentaires:

Veronika a dit…

Merci d'avoir publié mon texte ici !

Je peins, je peins, je peins ... 50 fois

;-)

Veronika

Lol47 a dit…

J'aurais aimé l'avoir écrit...tout simplement.

Bises et amitiés, Lol.