20.3.09

Fragments de l'être couché


" Qu'on me retire ma vie et j'en invente une autre "

Jöe BOUSQUET

« Je m'appelle Joë Bousquet, je suis né et mort deux fois ».

« J'étais un enfant capricieux. On m'appelait l'homme-chien. Ma cruauté m'avait acquis ce sobriquet. Adolescent on me disait un mauvais garçon, pourtant j'étais fils de bonne famille languedocienne, mon père médecin, mon oncle chirurgien. En 1916, à dix-neuf ans, je devance l'appel. J'ai un désir de guerre, une volonté d'en découdre. Avec çà, je gagne des galons et des médailles. J'avance. Je suis blessé une première fois. Grâce à ce courage de tous les diables je suis l'officier le plus décoré de mon régiment. Convalescent, je rencontre Marthe à l'Opéra de Béziers, ma première rencontre avec l'amour. Impossible : La colère de ma mère quand elle aurait su que je voulais épouser une divorcée .Vite, je veux retrouver la guerre, le front, je veux m 'échapper. Et puis, lors d'une attaque allemande, moi le lieutenant Bousquet je ne sais pourquoi tous reculaient,

Alors, j'ai compris, c'était fini et je suis resté debout ».

---JE SUIS RESTE DEBOUT ---

(extrait de l'énigme J. Bousquet ou -fragments de l'être couché-)


L’hirondelle blanche

Il ne fait pas nuit sur la terre ; l’obscurité rôde, elle erre autour du noir. Et je sais des ténèbres si absolues que toute forme y promène une lueur et y devient le pressentiment, peut-être l’aurore d’un regard.

Ces ténèbres sont en nous. Une dévorante obscurité nous habite. Les froids du pôle sont plus près de moi que ce puant enfer où je ne pourrai pas me respirer moi-même. Aucune sonde ne mesurera ces épaisseurs : parce que mon apparence est dans un espace et mes entrailles dans un autre ; je l’ignore parce que mes yeux, ni ma voix, ni le voir, ni l’entendre ne sont dans l’un ni l’autre.

Il fait jour ton regard exilé de ta face
Ne trouve pas tes yeux en s’entourant de toi
Mais un double miroir clos sur un autre espace
Dont l’astre le plus haut s’est éteint dans ta voix.

Sur un corps qui s’argente au croissant des marées
Le jour mûrit l’oubli d’un pôle immaculé
Et mouille à tes longs cils une étoile expirée
De l’arc-en-ciel qu’il draine aux racines des blés.

Les jours que leur odeur endort sous tes flancs roses
Se cueillent dans tes yeux qui s’ouvrent sans te voir
Et leur aile de soie enroule à ta nuit close
La terre où toute nuit n’est que l’oeuvre d’un soir.

L’ombre cache un passeur d’absences embaumées
Elle perd sur tes mains le jour qui fut tes yeux
Et comme au creux d’un lis sa blancheur consumée
Abîme au fil des soirs un ciel trop grand pour eux.

Il fait noir en moi, mais je ne suis pas cette ténèbre bien qu’assez lourd pour y sombrer un jour. Cette nuit est : on dirait qu’elle a fait mes yeux d’aujourd’hui et me ferme à ce qu’ils voient. Couleurs bleutées de ce que je vois qu’avec ma profondeur, rouges qui m’éclaire
mon sang, noir qui voit mon coeur…

Nuit du ciel, pauvre ombre éclose, tu n’es nuit que pour mes cils.

Bien peu de cendre a fait ce bouquet de paupières
Et qui n’est cette cendre et ce monde effacé
Quand ses poings de dormeur portent toute la terre
Où l’amour ni la nuit n’ont jamais commencé.

Joë Bousquet (L’Esprit de la Parole)

A DECOUVRIR, REDECOUVRIR DE TOUTE URGENCE !



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